Pierre Bugeaud, le 14 avril 1985

Un élément essentiel de l’unité consacrée par le Congrès Constitutif de la Fédération Nationale des Prisonniers de guerre, fut sans aucun doute l’action du Mouvement de Résistance qui était le Mouvement National des Prisonniers et Déportés ou MNPGD (le « D » du sigle vise les internés et déportés résistants et les déportés du travail et réfractaires nombreux dans le mouvement clandestin).

Pour bien comprendre ce qui s’est passé, il faut se rappeler 1940, la France occupée, l’armée presque totalement exilée en Allemagne, l’espèce d’hébétude qui s’était dans les premiers temps, ici et en Allemagne, emparée des Français. On leur promettait, si ils étaient sages, une libération rapide. On larmoyait sur leur sort. La propagande hitlérienne et la presse qui lui était soumise dissertaient à longueur de colonnes sur ces thèmes de la patience et de la résignation.

Cependant, très vite en France, des hommes et des femmes se réunissaient clandestinement et décidaient de lutter contre le mensonge dans lequel on voulait les enfermer. Il en fut de même dans les camps et les Kommandos en Allemagne.

Dès l’hiver 10-41, du commentaire qui savait redonner courage naissaient le sabotage, l’organisation de l’évasion. Au refus de travail des sous-officiers s’ajoutait l’opposition à l’effort de guerre allemand et à tout esprit de collaboration.

Parmi les premiers évadés, les rapatriés sanitaires et les malades, les anciens combattants de 14-18, peu à peu certains se mêlèrent aux groupes de résistance dont les sigles aujourd’hui étonnent les jeunes générations pour peu que l’on veuille leur enseigner l’Histoire de notre  temps (OCM, AS, FN, FTPF, Libération-Nord, MUR, COSOR, etc.)

Les Prisonniers de guerre venant de camps où l’opposition au nazisme était le mieux organisée, des évadés généralement, pensèrent à regrouper les hommes qu’ils avaient connus durant leur captivité pour poursuivre le combat et hâter la libération des camps, laquelle passait par la défaite allemande< ;

Trois responsables nationaux des Groupements ainsi constitués se réunirent clandestinement en mars 1944 sous les auspices du Conseil National de la Résistance et mirent au point la fusion qui donna naissance au MNPGD. Les chemins de ce regroupement de la Résistance PG sur le sol national furent souvent difficiles.

Pour un responsable clandestin, la première préoccupation était de protéger ses camarades contre l’arrestation, la déportation. En mars 1944nous avions déjà souffert et allions encore souffrir de l’insuffisance de précautions contre les infiltrations de la Gestapo, le la Milice, voire de la police dite française.

J’ai tenu à écrire que le MNPGD fut un élément « essentiel » de l’unité. Peut-être faut-il éclairer ce mot. Essentiel car il était capital que le Conseil National de la Résistance eût une meilleure connaissance de l’existence de notre combat et qu’il en découvrit l’importance sur le sol allemand. Essentiel, parce que le futur Gouvernement provisoire de la République Française reconnaissait comme interlocuteur valable le MNPGD en tant que représentant de la Résistance PG pour la France occupée et pour l’Allemagne. Essentiel encore était le soutien que nous apportions au programme du Conseil National de la Résistance qui jetait les bases du retour de la France à la démocratie, à la Liberté, qui posait les prémices de sa reconstruction et de sa reconnaissance en tant que grande Nation.

Des hommes qui furent à l’origine de cette action spécifique des Prisonniers et Déportés, nombre d’entre eux parmi les meilleurs ont rejoint les morts en déportation ou dans les combats de la Libération.

Mais on peut affirmer que l’esprit qui les animait n’a pas disparu. Ils voulaient que les rapatriés trouvent une maison commune, ils ont consacré leur vie à l’unité fédérale. Ils voulaient que la Fédération défende le droit et l’honneur d’une génération, elle n’y a pas failli et continue sur ce chemin. Ils attendaient que, fidèle à ses origines, elle fasse entendre la voix des captifs, une voix à la fois plus pluraliste et unitaire…

D’après Pierre Bugeaud, membre fondateur de la Fédération Nationale

(Porte de Versailles le 14 avril 1985)